Georges Cocks... L'auteur de « Khoufou, le rêve bleu »
Georges Cocks est un écrivain, romancier, poète, et il est également rédacteur à Pluton-Magazine. En 2021, après le succès de son roman Joe Stanay, il publie Khoufou, le rêve bleu aux Editions Nèg Mawon. Au mois d'Avril, nous nous sommes entretenus avec l'auteur prolifique qui a accepté de répondre avec sincérité à nos questions.
ENM / Bonjour Georges Cocks. Peux-tu te présenter à nos lecteurs et nos lectrices ?
Georges Cocks / J’aimerais savoir ce qu’ils veulent savoir précisément sur moi, il y a tant à dire que j’écrirais un livre (Rires). Écrire n’est pas ma seule passion. Mes passions contribuent fortement à l’écriture surtout la musique. Certains m’ont vu chanter car je suis féru de karaoké. Je fais du vélo sur route, de la plongée sous-marine, de la chasse sous-marine, du bricolage, du jardinage, de la cuisine… Je m’arrête là, je ne pourrais pas répondre à toutes les demandes en mariage (Rires). Georges Cocks c’est déjà treize parutions propres et plus de dix publications en anthologies. Mon nom ? Ah oui, je suis originaire de Saint-Martin.
À quel moment l'écriture est devenue un espace d'expression ?
GC / À quel moment a-t-on soif ? La soif n’est pas soudaine, c’est un processus qui se met en place dont les raisons peuvent être multiples et finissent par déclencher le besoin plus que l’envie de boire. Je dirais que tout le monde sait écrire mais on ne sait pas tous dire par l’écriture. Il arrive un moment où l'on prend conscience du pouvoir des mots et comment ils peuvent agir sur les autres car ils ont agi aussi sur moi par le biais de la musique (la bonne), des textes profonds de grands chanteurs. L’école n’en est du tout pas la cause.
Autodidacte en presque tout, je dessinais des BD où fallait faire parler les personnages, c’est là que le processus de la soif d’écrire a commencé.
En général, combien de temps consacres tu à l’écriture ?
GC / Aucune idée, ce n’est pas mesurable. J’écris tout le temps, j’écris même quand je n’écris pas car mon environnement du quotidien m’envoie des stimuli. Ce n’est pas un hasard si vous avez utilisé le terme « prolifique ». Contrairement à de nombreux poètes que je jalouse, je ne connais aucun de mes poèmes par cœur, car je produis constamment.
KHOUFOU, le rêve bleu, l'un de tes romans, aborde la dure réalité de l'émigration des familles issues de milieux précaires ou plutôt, comme tu le décris : « … une histoire sénégalaise en mémoire aux émigrés qui risquent chaque jour leur vie sur des rafiots pour rejoindre l’eldorado. » D'où t'es venu l'inspiration pour l'écriture de ce roman ?
GC / Ce roman est mon dernier livre publié mais pas le dernier écrit.
En effet, la genèse de ce roman a été la triste conséquence d’un bateau syrien de migrants dont un des passagers, le jeune Aylan, n'avait que 3 ans dont le corps avait été ramené par la mer sur une plage de la Turquie. Cette image a fait le tour du monde, elle m’a littéralement renversée. Je voulais plonger le lecteur dans le quotidien de ces gens pour comprendre la motivation qui brave la mort pour garder la vie. Huit ans après, rien n’a changé.
Pourquoi écrire sur cette thématique aussi sensible ? Est-ce que ce thème rejoint une cause qui te touche le plus ?
GC / Nous vivons dans un monde bizarre. L’indifférence et l’égoïsme nous gagnent. Tant que ce n’est pas chez moi tout va bien, tant que j’ai les moyens je m’en fous de l’autre : telle est notre société d’aujourd’hui. Aucune exemplarité politique. Ce sont les mêmes qui distillent ce relent à leurs concitoyens. Il suffit d’un événement majeur dans notre pays pour que nous nous trouvions dans cette même situation. La montée des océans a fait fuir les gens, les guerres déplacent les gens, les crises économiques déplacent les gens…
Pour répondre à la deuxième question, je suis la voix des opprimés, les causes injustes font beaucoup partie de mes formes d'écriture. Je suis automatiquement attiré vers elles. Puis il faut marquer notre temps. Ce que nous écrivons aujourd’hui permet à d'autres, dans un futur lointain, de comprendre ce qu’il se passait de notre vivant, donc je ne peux pas écrire comme si l’on vivait les trente glorieuses dans la prospérité absolue.
Comment ton livre a-t-il été reçu par le public, à sa sortie ? As-tu été surpris de cette réception ? Satisfait ? Déçu, etc. ? Dis-nous tout !
GC / Celui qui prend ce livre en main et qui se jette immédiatement sur la quatrième de couverture en prend possession immédiatement sans feuilleter le livre. Mes différentes signatures me l’ont prouvé et, à ma grande surprise, j’ai vu de nombreuses personnes ayant déjà voyagé ou résidé au Sénégal qui ont eu le coup de foudre. Une journaliste française m’a fait une interview après avoir lu l’ouvrage, elle trouvait qu’il y avait quelque chose qui clochait : elle ne comprenait pas le sens de mon immigration (mdr) vu que je vis en Guadeloupe. Elle était bluffée par la force de l’écriture et le réalisme parfait pour quelqu’un qui n’a pas fait de traversée.
Pourquoi avoir choisi les Éditions Nèg Mawon pour la publication de ce livre ?
GC / C’est une maison d’édition locale qui mérite d’éditer de belles choses. J’en suis un à ma manière (un nèg mawon) aussi, donc… La littérature antillaise a beaucoup à apporter au monde. Elle n’est pas soutenue par nos pouvoirs politiques pour permettre l’émergence d’une nouvelle génération qui est connue d’ailleurs mais pas d’ici.
Lorsque tu écris un livre, as-tu déjà en tête l’idée de le publier ? La publication de tes écrits est-elle systématique ou, au contraire, tu conserves certaines œuvres dans ton placard ?
GC / Oui, l’intimité du livre s’arrête au mot fin. Il devient nécessaire de le faire connaître. Je ne suis pas au stade de thérapie et, même si certains écrits peuvent l’être, la façon d’écrire ne laisse rien présager de la douleur personnelle de l’auteur. Il y en a encore beaucoup dans des tiroirs, pas de placard. Malheureusement, on ne peut pas tout publier d’un coup ; certains écrits doivent patienter, chacun avec son ticket.
Le Salon du livre de Guadeloupe, le Salon international du livre de Saint-Martin, le Salon international de la Martinique « Les mondes créoles », ainsi que le Comité du concours de nouvelles « Prix de la nouvelle Raoul Georges Nicolo » t'ont ouvert leurs portes. Parmi toutes ces expériences littéraires, quel est celle qui a le plus marqué ta vie d'auteur ?
GC / Chaque événement littéraire marque la vie d’un auteur. L’un n’est pas comparable à un autre. Les rencontres sont différentes car les auteurs sont différents. Venus de tout bord, les échanges sont très enrichissants. Être choisi à une table ronde, rencontrer des élèves, être président de jury… relève d’une reconnaissance de son travail et de sa capacité à enrichir. Toutes ces rencontres sont gratifiantes !
Récemment, KHOUFOU le rêve bleu a été sélectionné parmi les œuvres concourantes lors du Prix Fetkann Maryse Condé. As-tu déjà participé à des concours littéraires ? As-tu reçu des prix ? Comment définir cette expérience qui permet aux auteur(e)s d'être projeté(e)s sur une scène internationale ou nationale ?
GC / Les prix, une autre histoire… Je réponds à ta question, ce sera bien mieux. Oui, j’en ai déjà reçu sur des anthologies poétiques, mais je préfère travailler sur des appels à contributions. Cet exercice permet de savoir réellement où nous en sommes dans la qualité d’écriture. La sélection est impitoyable. On se frotte à des gens de tout horizon. Certains ne le font pas parce qu’il n’y a pas d’argent à gagner mais c’est là qu’ils se trompent lourdement.
Le prix c’est d’être référencé sur une plus grande échelle et d'être lu par des millions de gens qui pourront chercher les œuvres de l’auteur par la suite. Co-écrire et voir ses textes retenus dans des revues publiées dans la francophonie mondiale est un sacre. Il faut savoir googliser son nom, c'est une façon extraordinaire. D’ailleurs à l’occasion d’un concours littéraire Amazon, le titre Joe Steanay (un de mes meilleurs livres sur la ségrégation aux USA) est étudié en Master I et II dans la prestigieuse université de Yaoundé. C’est ce dont tout écrivain rêve. Je ne rêve plus…
L’écrivain a-t-il un rôle particulier à jouer dans la société ?
GC / C’est ce qu’on dit. L’écrivain écrit, mais il prend un rôle quand la société décide de s’approprier son œuvre. Il faut accepter son travail non seulement intellectuellement parlant, mais aussi dans les faits. Et c’est là que le rôle s’arrête souvent. Il n’est jamais suivi de faits.
L’écrit est une arme puissante. Beaucoup sont morts à cause de leurs écrits. Priver les gens de lire davantage ceux qui veulent nous manipuler et nous conduire comme des inconscients. Aujourd’hui, il y a foison de lectures stériles, faciles à lire et sans effort. Certains en font leur livre de chevet et s’appauvrissent. Je ne sais pas si j’œuvre à une quelconque émancipation, aux autres de le dire. J’écris, et d’où je viens n’est pas un frein à ma littérature donc de ce fait je pense libérer comme le coton du fromager ma plume à tout vent qui veut bien le charrier.
Un mot pour les jeunes écrivains qui voudraient se lancer dans l'écriture ou l’édition ?
GC / Le mot jeune me dérange. Si une mamie de 70 ans écrit son premier livre, elle est jeune en écriture, c’est sa toute première expérience mais ce qu’elle va écrire sera très riche car elle a une expérience qu’un jeune n’a pas. Un jour, Dereck Walcott a sorti une phrase devant moi à l’attention des jeunes qui voulaient écrire : n’écrivez pas ! Cette phrase m’avait choqué. Ce n’est plus tard que j’ai compris pourquoi il avait été aussi cash. De ce fait, je traduis avec plus de tact : pour écrire, il faut commencer par lire. C’est sûrement à cause de nombreuses publications de jeunes qui se prennent déjà pour des grands écrivains et qui n’ont pas de maturité dans leur texte que le vieux avait prononcé ces mots. Je le rejoins.
Donc lisez, lisez bien, faites le choix de bons livres. Les classiques sont très formateurs. Acceptez les critiques qui font mal et ne soyez pas fainéants. Méfiez-vous des c’est super ! et tout ce qui découle de ce registre. C’est le meilleur moyen de ne pas progresser. Enfin, la motivation, la raison sincère pour laquelle vous voulez écrire, doit être pure et noble. Vos lecteurs la ressentiront quel que soit votre âge. Quand on écrit avec le cœur, l'âge ne compte pas.
Nous te remercions Georges Cocks pour cet échange intimiste et authentique. A bientôt pour de nouvelles aventures ! Et toi, cher lecteur, si tu souhaites découvrir le livre Khoufou, le rêve bleu est disponible à l'achat, ici.
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